Sunday, October 23, 2011

Spleen
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
II nous verse un jour noir plus triste que les nuits;
Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris;
Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
— Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
Charles Baudelaire

Spleen
When the low, heavy sky weighs like a lid
On the groaning spirit, victim of long ennui,
And from the all-encircling horizon
Spreads over us a day gloomier than the night;
When the earth is changed into a humid dungeon,
In which Hope like a bat
Goes beating the walls with her timid wings
And knocking her head against the rotten ceiling;
When the rain stretching out its endless train
Imitates the bars of a vast prison
And a silent horde of loathsome spiders
Comes to spin their webs in the depths of our brains,
All at once the bells leap with rage
And hurl a frightful roar at heaven,
Even as wandering spirits with no country
Burst into a stubborn, whimpering cry.
— And without drums or music, long hearses
Pass by slowly in my soul; Hope, vanquished,
Weeps, and atrocious, despotic Anguish
On my bowed skull plants her black flag.
— William Aggeler, The Flowers of Evil (Fresno, CA: Academy Library Guild, 1954)

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